Orangs-outangs : mots qui veulent dire « gens » ou « hommes » ou « peuples de la forêt »
« À nos pieds, le présent : l’horreur. Sur peut-être trois cents hectares, toute végétation a disparu. Ne reste rien qu’une plaie de terre rouge, hérissée de souches plus pâles. De loin en loin, un arbre seul monte haut vers le ciel, comme un poil, obscène. J’ai vu des champs de bataille. Par exemple le chemin des Dames. Je sais reconnaître la présence de la mort. Je m’y retrouve.
(…)
Acte II : le futur : à perte de vue, des alignements de petites boules vertes, par dizaines de milliers, les palmiers à huile, tous semblables, un rêve de dictateur : la société des plantes, infiniment diverse et complexe, changée en une armée de l’ordre et de la similitude.
(…)
À l’endroit où je me trouve, la zone est classée « corridor », c’est-à-dire protégée pour permettre aux grands animaux de passer d’un massif forestier à un autre, seule garantie pour leur survie. On me donne les chiffres d’une voix neutre. Il ne resterait, sur toute l’île que cent quarante-cinq rhinocéros et deux cent cinquante tigres. Et la population de nos cousins orangs-outangs (mots qui veulent dire « gens » ou « hommes » ou « peuples de la forêt ») a décliné de 50 % depuis 20 ans. On n’en compterais plus que 5000. »
Erik Orsenna (2012), Sur le route du papier : petit précis de mondialisation III, Stock, p264-265
Copyright 2024 © Tous droits réservés - Site web par JGH-WEBDESIGN